La Transfiguration

Seconde épître de saint Pierre chapitre Ier, versets 10 à 19
Évangile selon saint Matthieu chapitre XVII, versets 1 à 9.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.

Ce récit de la Transfiguration de notre Seigneur sur le mont Thabor est un récit qui nous remplit d’émerveillement, nous sommes éblouis par la beauté de Jésus dans cette lumière divine qui l’enveloppe. Et en même temps, nous ne pouvons pas nous empêcher d’éprouver le sentiment que cette scène, d’une beauté magnifique, est un peu lointaine, elle paraît éloignée de nous, de ce que nous sommes et de la vie que nous menons.

Un jour, donc, le Christ gravit une montagne avec Pierre, Jacques et Jean Ce sont trois disciples avec lesquels Jésus a une relation tout à fait particulière. Ce sont eux qui l’accompagneront encore pendant l’agonie à Gethsémani, la veille de la crucifixion.

Ils gravissent une montagne. Dans la Bible, la montagne est un lieu important, elle symbolise l’effort de l’homme pour s’éloigner du monde et de la foule, pour s’élever vers Dieu, là où l’air est plus pur.

Et soudain, Jésus se trouve tout auréolé, tout embrasé d’une lumière merveilleuse que l’on appelle la “lumière incréée”. Cela signifie qu’il ne s’agit ni d’une lumière naturelle comme celle qu’émet le soleil ou que reflète la lune, ni d’une lumière artificielle comme celle que nous pouvons produire avec une allumette, un cierge ou une ampoule électrique. C’est, au contraire, une lumière qui vient d’ailleurs et qui est la manifestation de Dieu sur terre. Et nous savons qu’au cours de l’histoire de l’Église, un certain nombre d’hommes ont eu la grâce de voir cette lumière.

Cette lumière est interprétée par les Pères de l’Église comme étant la présence de l’Esprit Saint. Jésus est là, tout nimbé de lumière, et la voix du Père retentit « Celui–ci est mon Fils bien–aimé, en qui j’ai mis toute mon affection. Écoutez–le ! » La Transfiguration du Christ sur le mont Thabor est, par conséquent, une manifestation de Dieu en trois personnes.

Auparavant, à droite et à gauche du Christ apparaissent deux personnages, Moïse et Élie, dont on dit souvent qu’ils représentent l’un la Loi et l’autre les Prophètes,

Essayons de comprendre pourquoi Moïse et Élie sont présents sur le mont Thabor aux côtés du Seigneur Jésus. Ils sont présents peut-être aussi parce qu’ils ont connu l’expérience de la Lumière incréée. Ils ont vu cette gloire de Dieu.

Moïse. Quelques mois après la sortie d’Égypte, Moïse passe de nombreux jours sur le mont Sinaï en compagnie de Dieu. Il redescend en portant les deux tables de la Loi, et c’est alors qu’il a un choc brutal car les Hébreux se sont fabriqué une idole, le veau d’or. Il brandit alors les tables de la Loi et les jette à terre. Elles se brisent. Puis il remonte sur le mont Sinaï afin d’intercéder en faveur des Hébreux. Dieu se réconcilie avec Son peuple et entre en conversation avec Moïse. Moïse reprend courage et peu à peu retrouve ses énergies. À un moment donné, il va soudain prononcer une parole absolument extraordinaire : avec audace il dit à Dieu « Montre-moi Ta gloire. » C’est important car cela concerne aussi notre vie spirituelle. Cela correspond au fait que dans notre vie spirituelle nous nous approchons petit à petit – certes bien faiblement mais nous nous approchons quand même – de Dieu et de Sa lumière et que nous avons toujours le désir d’en voir davantage. Nous avons toujours le désir que Dieu nous en offre davantage. Et Dieu répond à Moïse « Oui, Je te montrerai Ma gloire mais tu me verras de dos, Je passerai devant toi, tu ne pourras pas voir Mon visage car celui qui voit Mon visage meurt aussitôt. » Et alors Moïse voit passer le Seigneur dans Sa gloire. Mais auparavant le Seigneur parle : « Dieu l’Éternel, le Seigneur de miséricorde et de pitié, compatissant, lent à la colère, toujours plein de bonté… » et c’est ainsi qu’Il passe après avoir prononcé ces paroles qui proclament Son être profond. Son être profond est la bonté, l’amour, la miséricorde. Ici, ce qui est capital pour nous c’est que Sa miséricorde passe avant Sa gloire. En un sens Sa miséricorde est plus importante que Sa gloire.

Élie. À un moment donné dans sa vie, Élie est profondément découragé car il a dû s’enfuir pour échapper aux persécutions du roi Achab et, surtout, de cette terrible reine, Jézabel, qui s’adonnait à des pratiques païennes. Seul, il s’enfonce dans le désert. Après un jour de marche Élie s’assied et pense qu’il va mourir, il se couche et s’endort. Mais un ange vient et le nourrit. Élie se relève, marche pendant quarante jours et arrive dans une caverne à flanc du mont Horeb. Alors, Dieu s’adresse à Élie et lui annonce : « Je vais venir te parler. » Mais avant que Dieu ne vienne il y eut d’abord un vent violent. Un vent de tempête se déchaîne avec une telle violence que les arbres sont déracinés et que les rochers sont brisés nous dit le texte de la Bible. Mais Dieu n’était pas dans la tempête. Puis, il y eut un tremblement de terre. C’est un terrible séisme au point que les assises de la montagne semblent craquer et qu’on a l’impression que la montagne va s’effondrer. Mais Dieu n’était pas dans le tremblement de terre. Ensuite il y eut un incendie. Un incendie qui embrase toute la végétation à flanc de montagne, un incendie beaucoup plus ravageur que ceux que l’on peut déplorer, de temps en temps dans le midi de la France. Mais Dieu n’était pas dans l’incendie. Et enfin, il y eut un murmure léger, ténu, à peine audible. Et Dieu était dans ce murmure léger et ténu. À cet instant, Dieu parle à Élie. Là encore c’est important pour nous : Dieu n’est pas dans la manifestation de la puissance. Dieu – pensons à Jésus qui meurt sur la Croix – Dieu est dans la manifestation d’une humilité et d’une paix, Dieu est dans une manifestation qui est à notre portée, à la portée de nos oreilles et de ce que nous pouvons entendre.

Voici donc trois manifestations de la gloire de Dieu – il y en a, bien sûr, beaucoup d’autres – le mont Thabor, Moïse et Élie, trois manifestations de Dieu dans la lumière. Et cette lumière, Jésus la reprend avec Ses paroles quand Il dit « Je suis la lumière du monde », ou bien encore, songeons à cette parole que le prêtre prononce dans la liturgie des dons présanctifiés « Le Christ est la lumière qui illumine tout homme. » Cela signifie qu’il y a en tout homme une lumière. Cette lumière, nous cherchons à la découvrir en nous à travers notre prière, à travers nos gestes, nos actions, à travers notre manière de vivre sous le regard de Dieu. Et nous comprenons alors qu’en tout être humain il y a un peu de cette lumière. En effet, d’après tous les grands spirituels, nous sommes appelés à découvrir cette lumière sur le visage de tout être humain. Comme le dit un apophtegme « Vois Dieu. Et après, vois Dieu en tout homme. »

Il était une fois un jeune homme qui était au bord du désespoir. Il se trouvait dans un autobus et se tenait tout pelotonné sur lui-même.

Soudain, il sent un regard. Il perçoit qu’un regard de douceur et de tendresse le pénètre. Cela l’émeut et le bouleverse. La personne qui lui avait jeté ce regard descend de l’autobus. Depuis, le jeune homme est comme changé dans sa vie. Alors il refait cette ligne d’autobus et se promène autour de l’arrêt où était descendu cet homme. Ses efforts sont récompensés car il le retrouve. Cet homme était un chrétien, un pasteur protestant. Alors le jeune homme demande « Mais pourquoi m’avez-vous regardé comme ça ? » et l’homme lui répond « J’ai senti en vous une grande souffrance. Alors j’ai invoqué le Seigneur. J’ai demandé au Seigneur Jésus de vous aider, de vous donner Sa paix, de vous faire sentir Sa tendresse. » Ainsi le jeune homme fut sauvé par un simple regard qui lui a été donné au milieu de cette foule, au milieu de cette ville grouillante si oppressante parfois. Peut-être, c’est ainsi que la Transfiguration se fait proche de la vie que nous menons, peut-être qu’une expérience de transfiguration est quelque chose de très simple. Il y a bien sûr le mont Thabor mais n’oublions pas qu’il y a aussi une étincelle de lumière en chacun d’entre nous. À nous de la découvrir.

Amen

Homélie prononcée par le P. Michel Evdokimov, le 8 août 2004

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