Quelques réflexions sur Dieu et le mal

Si l’on balaie du regard un certain nombre d’événements qui ont secoué notre société au cours de ces dernières années, on ne peut qu’être douloureusement impressionné par de multiples manifestations du mal et des souffrances qu’il entraîne : en dehors d’une crise générale que génère de plus grandes disparités entre ceux qui s’enrichissent et ceux qui peinent à joindre les deux bouts, les addictions toujours plus fortes à la drogue, l’alcool, l’érotisme, les manifestations de violence qui touchent des générations de plus en plus jeunes, viols et assassinats de jeunes filles, et au bout de la chaîne cette petite fille traînée par les cheveux qu’un jeune homme monstrueux tue d’une balle dans la tête. Meurtre de l’ange par un humain sous l’emprise d’une force démoniaque. Le destin de l’humanité semble inexorablement lié à ce déchaînement de malheurs. Comme disait l’Ecclésiaste il y a des milliers d’années, « il n’est rien de nouveau sous le soleil ». Nous vivons dans un monde désenchanté.

L’existence insolente du mal décourage bien des hommes à donner leur foi à un Dieu d’amour. Si Dieu est amour, disent les sceptiques, comment peut-il tolérer les tragédies qui ensanglantent la terre ? Ou Dieu n’est pas tout-puissant, donc il n’existe pas ; ou il est méchant, et il faut le liquider ; ou alors il doit faire face à un autre Dieu qui lui est hostile, et nous tombons dans le manichéisme.

Or si Dieu est mort, comme disait Nietzsche, alors c’est l’homme qui va prendre sa place. On a vu ce que cela donnait dans les pays où l’on prétendait que la foi est l’opium du peuple. Ce rêve de la déification de l’homme par lui-même ne cesse de s’effondrer : tous les grands empires totalitaires ont disparu, seul le Sermon sur la Montagne est toujours là pour nous permettre de rester debout et de trouver un sens à la vie.

Alors pourquoi le mal, quelle est son origine ? Ces questions ont maintes fois tourmenté les hommes, à commencer par Job qui était un juste. Le mal relève de quelque chose d’irrationnel, et échappe à notre raison. La Bible va-t-elle nous aider ? Oui, mais en nous mettant face au mystère. Le prophète Isaïe nous parle de la chute de l’ange :

« Te voilà tombé du ciel,
astre brillant, fils de l’aurore !
tu disais en ton cœur : je monterai au ciel…
Je serais semblable au Très-Haut,
mais tu as été précipité dans le séjour des morts. » (Isaïe 14,12-15).

D’une manière impressionnante, le prophète décrit ici la chute de l’ange, de ce Lucifer porteur de lumière. De son côté l’Apocalypse nous parle de la bataille entre saint Michel et les anges de lumière avec Satan et les anges des ténèbres :

« Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts… et il furent précipités, le grand dragon et ses anges, sur la terre. » (Apocalypse 12,7-9).

Le nom Michel signifie « qui est comme Dieu ? », c’est-à-dire qui ose dire qu’il est comme Dieu ? question clamée par l’archange lorsque Satan donnait des signes de vouloir supplanter Dieu.

Nous connaissons bien la scène de la tentation à laquelle succombent Adam et Ève face au serpent qui leur dit : « Vous serez comme des dieux ». Avec cette scène nous retrouvons cet orgueil luciférien de vouloir supplanter le Créateur. Nous subissons les conséquences de ces tragédies déroulées au ciel, avec la souffrance, la mort. Elles se déroulent aussi dans notre cœur. Tout éloignement de Dieu de la part de l’homme, voilà la première cause du mal dans l’univers. L’homme peut s’éloigner de Dieu, mais Dieu ne s’éloigne jamais de l’homme, même s’il donne l’impression d’être enveloppé de silence. Il a pris un risque en créant l’homme libre, le voilà maintenant lié par cette liberté donnée à l’homme avec laquelle l’amour peut être partagé.

Dieu n’a pas créé le mal, il n’en est pas responsable. Alors que fait le Christ ? Loin de développer des théories sur le mal, ou même une « théologie » sur l’origine du mal, il combat toute forme de mal. Comment ? Mais avec les armes de l’amour, de la douceur, de l’humilité. Le démon en a bien conscience lorsque le Christ s’approche de l’homme que douze démons tenaient enchaîné (Mt 8,29) : « Qu’y a-t-il entre nous et toi, Fils de Dieu ? Es-tu venu nous tourmenter avant le temps ? ». Le démon ne supporte pas la pureté du divin. Le Christ délivre le possédé, les armes démoniaques sont impuissantes.

Nous pouvons alors nous laisser enrôler dans l’armée du Christ pour mener ce combat contre les forces du mal. Nous comprenons que le lieu de ce combat est le cœur de l’homme, c’est le combat mené, tous les ascètes le disent, contre les passions, contre tout ce qui fait de nous des « petits dieux », et non pas des fils et des filles dont la joie est de faire la volonté du Père. Saint Séraphin disait : acquiers la paix intérieure et des foules d’hommes seront en paix. Si je fais la paix dans mon cœur, il y aura moins de guerres, moins de souffrances en ce monde, moins d’innocents torturés.

Durant le carême, les jours de la Passion du Seigneur, de sa descente au séjour des morts, nous avons rencontré les manifestations du mal, dont la plus extrême, la révolte contre Dieu et sa mise à mort. Nous voilà maintenant entrés dans la joie de la résurrection. Le Christ a vaincu la mort dans sa nature humaine — la nôtre —, il a vaincu toute tristesse, toute angoisse, pour nous rendre capables d’entrer dans la vie éternelle. Telle est la Bonne Nouvelle que le monde bien souvent ignore. Dieu n’est pas impuissant contre le mal, car par la mort il a vaincu la mort. Victoire acquise, bien que non encore accomplie.

À nous maintenant de mener le combat de la vie !

Père Michel

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :