Vivre liturgiquement l’Amour de Dieu

A maintes reprises revient dans la Bible la parole suivante : « Dieu nous aime ». Dieu est amour, dit saint Jean, par amour il nous a créés. L’homme a rompu ce lien d’amour, il est tombé dans la souffrance et la mort, et Dieu alors envoie son Fils pour le sauver. Or tout acte d’amour doit être à double sens, demande la réciprocité. Si Dieu nous a aimés le premier, comment pouvons-nous répondre à son amour ? Pouvons-nous dire que nous aimons Dieu, que nous ne voyons pas ? A ces questions il y a une infinité de réponses.

On peut commencer par l’amour du prochain qui, lui, est bien visible. « En tout homme vois Dieu », disent les Pères. Saint Antoine apprend d’un ange qu’un simple cordonnier d’Alexandrie prie mieux que lui. Il se rend à son échoppe et le cordonnier lui dit : « Je vois passer tous ces gens et je demande à Dieu que tous soient sauvés et que moi seul périsse » : le Seigneur lui avait révélé la mesure de l’amour parfait. De son côté, saint Silouane disait : « Notre frère est notre propre vie ». On peut également aimer Dieu dans la prière, car il est présent lorsque nous prononçons son nom, et pouvons ainsi allumer en nous le feu de son amour. On peut aimer Dieu en lisant les Saintes Ecritures, dans lesquelles il nous parle des merveilles qu’il ne cesse d’accomplir dans l’histoire des hommes, ou en contemplant les beautés de la création dans laquelle le Créateur a déversé tout son amour, comme ces lis à la somptueuse parure, ou ces oiseaux insouciants qu’il nourrit en abondance.

On peut aussi aimer Dieu lors de notre participation à la vie liturgique. Vivons-nous l’événement liturgique comme un événement passé il y a 2 000 ans et n’ayant guère de rapport, sinon bien lointain, avec ce que nous vivons à l’époque moderne ? Ou comme un événement qui éclaire notre « aujourd’hui » et lui donne une profondeur d’éternité ? « Voici le temps d’agir pour le Seigneur » dit le diacre en donnant ainsi le coup d’envoi de la liturgie. Celle-ci est d’abord un « agir », nous ne pouvons être des spectateurs passifs du drame sacré qui se déroule devant nos yeux. Cet agir a son propre temps qui n’a pas partie liée avec le temps des horloges, il le dépasse dans un temps, toujours aussi réel, actuel, qu’il y a vingt siècles : c’est le temps du Seigneur.

Nombreuses sont les hymnes commençant par un « aujourd’hui » à la fois intemporel et bien actuel : « aujourd’hui la Vierge met au monde… » (Noël), « aujourd’hui notre salut commence » (Annonciation). Les rameaux tenus à la main nous assimilent aux habitants de Jérusalem venus accueillir Jésus sur son ânon. Par la grâce de la liturgie, nous nous identifions aux personnages qui ont entouré le Christ : la pécheresse versant des larmes, la Samaritaine retrouvant sa dignité de femme, Pierre affirmant : « tu sais que je t’aime ». Au jardin de Gethsémani, nous pouvons demander au Christ de partager l’angoisse qui est en nous, dont il a voulu se charger pour nous en libérer. A Pâques nous chantons avec joie : « hier avec toi j’était enseveli, aujourd’hui avec toi je ressuscite ». C’est-à-dire je suis autre, transformé par la puissance de vie qui jaillit du tombeau.

Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime. Cet amour, il nous est donné de le célébrer en particulier au cours de la liturgie où nous « commémorons » la Croix, le Tombeau, la Résurrection… et « le second et glorieux Nouvel Avènement » (l’Eglise se souvient d’un événement à venir !). Notre participation active à la liturgie fait de nous des témoins engagés dans des événements inscrits dans une actualité hors du temps, où passé et avenir se rejoignent dans un présent éternel. Ces événements deviennent la substance de notre vie, ils nous transforment, et nous pouvons alors en partager le sens et la beauté avec notre prochain : « retourne dans ta maison, et raconte tout ce que Dieu t’a fait » (Lc 8,39). Nous comprenons alors que pour aimer Dieu, il faut d’abord se laisser aimer par lui.

Le père Alexandre Schmemann remarque que la théologie, si elle nous parle de l’amour, ne peut aller au-delà de l’idée. La liturgie, elle, va beaucoup plus loin, elle nous donne de vivre une expérience concrète, elle nous fait traverser un brasier d’amour. Aller à la liturgie devient un acte d’amour envers Dieu, que nous pouvons accepter d’accomplir de « tout notre cœur, de toute notre âme, de toute notre pensée » (Mt 22,37).

                                                                                                                      Père Michel

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